AMICO FRAGILE : Regards sur l'oeuvre de Paolo Zagaglia - 3

Publié le par noserrances.over-blog.com

Je suis  cinéaste,  romancier, poète, nouvelliste, folkloriste, historien, vidéaste, critique de cinéma, romaniste, éditeur, linographiste, documentaliste, collectionneur, et homme de théâtre

 

« Femme Seule, chez elle, instable au bord de l’abîme » est un monologue, celui d’une femme qui parle à la photo de son mari décédé il y a longtemps, ou peut-être pas, on ne sait pas, car ce qui compte, c’est que cet homme est toujours présent dans le cœur et la vie quotidienne de cette femme…

C'est cynique, cruel, émouvant, tendre, éperdu... C'est l'histoire d'un amour, de nos amours, de l'amour...

Pour composer cette subtile palette, Marie-Elisabeth Dricot est allée puiser loin dans ses propres émotions, dans sa mémoire affective, avec ce qu’il faut d’engagement et de générosité pour aller chercher, à son tour, l’émotion du public.

Femme seule a fait salle comble au Festival des Vacances Théâtre à Stavelot en juillet 2009 ainsi qu’à l’Etuve en novembre 2009.

 

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Extrait 1

Souvent, je me demande si tout n’aurait pas été différent pour nous si nous avions eu des enfants, un enfant.  En fait, nous avons toujours vécu de façon très égoïste, en ne pensant qu’à nous, en réalisant tous nos désirs, en dépensant tout notre argent.  Pourquoi on s’en serait privés ?  A qui laisser de l’argent ?  Je me souviens que nous avons beaucoup réfléchi avant de prendre cette décision.  Des années.  Nous avons regardé autour de nous, observé nos amis, nos connaissances, lu des livres, regardé un tas d’émission télé et nous étions arrivés à cette décision, sûrs d’avoir raison.  Nous avions remarqué que les autres, ceux qui avaient des enfants suivaient tous le même schéma : ils font des enfants vers les 25-30 ans et ils commencent alors une vie de sacrifices : nettement moins de sorties, dépenses et surtout dirigées vers les gosses sans compter les angoisses.  Puis, quand les enfants ont grandi, ils vont vivre ailleurs, seul ou en couple, vivent leur vie et, si ça se trouve, ils ne viennent même plus dire bonjour à leurs parents.  Alors, ceux-ci commencent à penser à eux, à leur bonheur mais ils ont passés la cinquantaine et, finalement, malgré les publicités qui veulent nous convaincre du contraire, le meilleur de la vie est déjà passé car les petits bobos commencent.  Quand nous en parlions autour de nous on se faisait critiquer, on était traités de tous les noms, de terroristes,  car nous étions des individus qui voulaient subvertir la société.  On ne nous a pas bien compris : nous, c’était un  choix personnel, jamais nous n’avons voulu que tout le monde fasse comme nous.  Oui, c’était notre vie, notre choix, notre façon de penser.  Alors, nous avons changé de ville, on s’est fait de nouveaux amis et à eux nous leur disions que nous n’arrivions pas à faire des enfants.  Alors là, on nous plaignait, un peu, mais en réalité tout le monde s’en foutait du moment que nous ne mettions rien en péril.

 

Extrait 2

Ah oui, j’ai oublié de te dire…  Ce soir je sors avec Gérard.  Oui, c’est ça, le petit rouquin.  Oui, oui, je me souviens encore de ce que tu pensais de lui mais, que veux-tu, on ne commande pas au cœur et pour citer une phrase que tu adorais : « le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point ».  Putain ! Non, mais tu te rends compte : c’est le genre de phrase qui te prend la tête, qu’il faut te répéter quelques fois pour vraiment la comprendre.  Toi qui adorais cette phrase, je suppose que tu l’as très bien comprise…

Oui, tu as très bien compris : en fait, quand je dis que je sors avec Gérard, c’est pas exactement ça et je devrais plutôt te dire que je vais habiter chez lui.  Donc, ne t’inquiète pas si tu ne me vois pas pendant un certain temps : tu sais très bien que je vais revenir un jour, que tout est de passage.  Je veux vivre ça.  Quand tout sera fini, je reviendrais, mais pas pour longtemps car, tu vois, j’en ai marre de tout ceci, de cette vie qui n’a pas de sens, de ces souvenirs qu’on n’oublie pas, de tous ces moments malheureux qui l’emportent sur les instants heureux.  J’ai décidé de partir, comme toi, et hasta la vista à tout le monde.  Je sais que ce n’est pas une fin marrante, que cela ressemble à une mauvaise pièce dont la fin triste et malheureuse risque de mettre de mauvaise humeur les spectateurs.  C’est ce que tu me disais toujours avec les films : il y a un tas de films que les gens disent n’avoir pas aimé rien que parce que le héros de l’histoire, avec lesquels ils s’étaient identifiés, meurt à la fin.

Tous ceux que je connais peuvent vivre sans se poser des questions sur le sens de la vie, sans être assaillis par des souvenirs, avec les moments malheureux qui glissent sur eux sans même les effleurer.  Moi, je ne peux pas, moi je suis une femme qui est plus loin qu’au bord de la crise.  Je suis là, en équilibre instable, sur un fil tendu à plus de cent mètres de haut.  Je marche normalement, c’est du moins ce que tout le monde croit, mais je vais tomber, je le sens, je sais qu’un jour je ne pourrais plus tenir et alors, plutôt que d’attendre le faux pas et être même surprise, un jour je déciderais que c’est mon dernier pas et je me laisserai tomber dans l’abîme...

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M
<br /> <br /> instable sur son fil de funambule, comme moi au bord d'un gouffre ou d'une fracture, d'une faille fatale en montagne<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> pour le moment, et pour mon compte, je n'ai pas franchi le pas d'en faire un "faux"!<br /> <br />
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M
<br /> <br /> j'apprécie ces dialogues avec l'absent<br /> <br /> <br /> ces relectures que cette femme fait de sa vie<br /> <br /> <br /> jusqu'au dernier pas, qui peut être faux d'ailleurs!<br /> <br />
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M
<br /> <br /> je sais être taquine<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> mais il est vrai que je suis très occupée en ce moment<br /> <br /> <br /> autant que toi pour organiser ces rencontres avec Paolo Zagaglia?<br /> <br /> <br /> je n'en sais rien, qui pourrait comparer quoi que ce soit en cette matière?<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> Mes occupations ne sont pas tout-à-fait du même ordre<br /> <br /> <br /> et sais-tu, à présent que je vais physiquement mieux, il va falloir que je me remette très sérieusement à la musique, à la pratique musicale! et ça c'est très prenant, et je ne sais comment<br /> m'organiser<br /> <br /> <br /> vrai!<br /> <br />
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M
<br /> <br /> je déciderais et je me laisserai<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> conjugaison(s)<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> j'ai décidé de me laisser revenir te commenter<br /> <br />
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